Henri Bassans était mon grand oncle. Policier à Paris dans les années 30, il refusat de servir sous l'occupation, et retourna s'installer à Voiteur dans le Jura après la capitulation française, alors en zone libre. L'occupation de tout le territoire le précipita dans la résistance. Voici son histoire et celle de son compagnon d'infortune, Roger Bailly, telle qu'il la raconta dans un discours prononcé lors d'une cérémonie du souvenir, après la guerre.
Discours prononcé par Monsieur BASSANS
à la Mémoire de Roger BAILLY
Déporté politique décédé à Melk (Autriche)
le 14 Juillet 1944
Le samedi 4 Mars 44, entre 13 et 15 heures, nous étions Roger BAILLY, Matelot, Madame BOURRAT et moi-même, arrêtés par une équipe de la Gestapo. Équipe composée de 2 Allemands et le reste par des Miliciens. A Domblans, c’est à coups de révolver qu’ils se présentèrent au domicile de BAILLY. A Voiteur, un camarade leur échappa, poursuivi par des coups de feu, un autre d’Arlay fut tué à coups de mitraillette.
Enchaînés, nous fumes conduits à la Gestapo à Lons-le-Saunier, après interrogatoire d’identité, emprisonnement à la Caserne Bouffez, dans de petites cellules avec comme couchette un grabat et une mauvaise couverture, menottes aux mains jour et nuit. Roger BAILLY pour sa part subi plusieurs interrogatoire à la Gestapo où roués de coup de nerf de boeuf à chaque séance les prisonniers revenaient hébétés et meurtris. Malgré des mauvais traitements et ses souffrances, jamais un mot n’est sorti de ses lèvres concernant ses camarades de la Résistance.
Le 20 Mars, départ pour Compiègne, puis déraillement et attaque du train non réussie par le maquis de Sergenaux-les-deux-Fays. Retour à Lons-le-Saunier. Deux jours après sans avoir quitté le wagon un nouveau départ, où toujours enchaîné Roger BAILLY eut la douleur d’apercevoir sa maison en passant en gare de Domblans. Arrivée à Compiègne le 24, ici commença à se faire sentir la faim, démunis d’argent Roger et moi allions fouiller les épluchures de la cuisine pour nous faire une soupe bien claire.
Départ pour l’Allemagne le 6 Avril entassés a 115 par wagon, à part les évasions nous roulons jusqu’à la frontière sans incident. A la première gare allemande, nos gardiens à 1 heure du matin, à coups de cravaches, nous font déshabiller et sortir entièrement nus sur le quai ; réembarquement à 150 par wagon cette fois-ci, le voyage continue dans cette tenue sans rien boire, ni manger. A l’arrivée plusieurs camarades étaient morts, d’autres devenus fous, tout le convoi a terriblement souffert de la soif.
MAUTHAUSEN, citadelle sinistre, fit une pénible impression sur tous, logés 350 par chambrés, couchés par 5 sur une mauvaise paillasse, nous avons vécu des nuits atroces, où nos gardiens la plupart allemands, des condamnés de droit commun, de véritables bandits, nous conduisaient a grand renfort de coups de matraques ou de sabots. Ici commence la vraie vie de bagnard, plus de nom, ni personnalité, un numéro et c’est tout.
Après une quinzaine de jours de cette vie, départ pour Melk où nous arrivons 1180 Français, 1 an après il en reste à peu près 140 a 150. Dans ce nouveau camp qu’il fallut installer, BAILLY et les camarades étaient logés 990 dans une même pièce, espèce de garage désaffecté. Réveil le matin à 3 H ½ ; après distribution d’une tasse d’eau noirâtre ou d’une soit disant soupe, départ pour le chantier, entassés 40 à 50 par camion. La montée dans ses camions était très rapide, car sous l’oeil vigilant du commandant du camp les S.S. schlaguaient a tour de bras. A midi, un litre de soupe bien claire aux rutabagas desséchés, aux épinards ou aux feuilles de betteraves. Au chantier, où se construisait une usine souterraine, le travail qui était très dur, consistait en grande partie à du terrassement. Il était défendu de se reposer et de se lever, toujours courbés sur sa tache, nous étions frappés de grands coups de triques ou de manches de pioches, non seulement par nos gardiens mais aussi par les civils nazis qui conduisaient les travaux, Roser BAIIIY étaient affecté au Komendo Rella, au village de Lousdorf a l2 Km du camps, à la construction d’ure voir ferrée, avec un courage admirable, il résista de touts ses forces à tous les mauvais traitements et au dur labeur, jusqu’au jour où très épuisé il contracta un phlegmon au pied, entra à l’infirmerie où il n’y avait rien pour soigner les malades, il échappa au bombardement aérien du 8 Juillet qui fit 550 victimes.
Mais hélas, la semaine suivante à la suite d’un refroidissement, une broncho-pneumonie se déclarait et il décédât le 16 juillet à 6 heures du matin après quelques jours de maladie.
Je puis dire, moi qui l’ai vu une heure après sa mort, étendu nu dans une cave, avant son départ pour le four crématoire, que Roger BAILLY fut extrêmement courageux et endurant, il resta toujours le charmant garçon que vous connaissiez, d’humeur égale, malgré les dures épreuves traversées, serviable avec ses camarades, très optimiste il avait la forte volonté et le grand désir de rentrer a Domblans, retrouver sa famille dont il parlait souvent, son travail et ses camarades. Il réunissait toutes les qualités qui font des héros au combat ; il est mort comme tel.